Le Canyon d'Alzou
Caillasse, genévriers, arbres nains… Le Causse nous assomme de son soleil d’albâtre. Un terrain à chèvres ascétiques, ou même peut-être à phacochères ou à girafes ; une Afrique cadurcienne ! Et puis soudain, presque sous nos pieds, longue, étroite et sinueuse comme une couleuvre coronelle, se glisse une coulée de verdure. L’ombre salutaire, enfin ! Changement d’univers : « Ouvrez les ballasts, immersion immédiate ! »…
Submergés par les falaises, nous sommes engloutis par la végétation. Un four à pain, quelques ruines, des meules abandonnées… Nous continuons notre immersion avant de toucher enfin le fond. Des femmes et des hommes ont vécu ici. Ont-ils été heureux ? Voilà longtemps que le dernier meunier a quitté ce royaume de l’ombre pour enfiler le pantalon rouge des biffins et fixer la baïonnette à son Lebel. Qu’est-il devenu ? Voilà longtemps, que l’eau joue à cache-cache avec les ruines des moulins qui jalonnent ces gorges de l’Alzou…
Le Temps fait son œuvre avec ses infatigables ouvriers que sont le lierre, la clématite et les ronces. En face, les employés du PNR Quercy bataillent comme ils peuvent armés de leurs scies débroussailleuses, pour que les pierres respirent encore. Le combat est inégal… Le Temps gagne toujours. Nous accélérons le pas avant qu’il ne nous rattrape. Plus haut, quelque part dans les falaises, des hommes ont essayé de lui échapper. En vain ! Les squelettes de l’âge de bronze sont recouverts de calcite. Bien plus tard, des déserteurs de la conscription de 1812, la plus meurtrière, des contrebandiers et même des faux-monnayeurs ont trouvé refuge dans la même cavité. Notre tunnel de verdure s’élargit. Un faucon pèlerin nous survole. « Chassez les ballasts, Surface ! »