Montbrun les Bains
Au temps des ombrelles et des crinolines, le marquis de Suarez d’Aulan a fait construire, dans la plaine de Montbrun les Bains, un établissement thermal inspiré de celui de Baden-Baden. Les racines de cette famille sont enfouies quelques kilomètres plus au nord. Au débouché des gorges de Toulourenc (« Tout ou Rien » en provençal) de dresse le « Neuschwanstein des Baronnies » : le château d’Aulan.
Son’histoire récente mérite d’être contée. Pillé pendant la révolution, patiemment rénové au cours du XIXe, puis ruiné et pillé de nouveau à l’issue de la première guerre mondiale, il est alors la propriété de Jean d’Aulan. Mais ce dandy préfère le sport de haut niveau — la natation et le bobsleigh— et les rallyes aériens, à la truelle et aux soirées glaciales collé contre la cheminée. D’ailleurs, son mariage avec une héritière des champagnes Piper-Heidsieck l’éloigne de sa Drôme natale. Il cède ainsi le château, ou ce qu’il en reste, à son jeune cousin.
Charles, âgé de 23 ans, consacre sa vie à restaurer le château de ses ancêtres, tout en réhabilitant ses terres agricoles afin de financer cette folie. Jean Giono qui lui rend visite en 1935, s’étonne de voir le jeune homme faire les foins avec les paysans. Le poète René Char, alors responsable des parachutages dans la résistance, s’y abrita plus d’une fois… Pendant des décennies, « monsieur le comte » s’emploie à remonter les murs, à couvrir les toits et à rassembler le mobilier éparpillé. A plus de 80 ans, il continue à guider les visites de « son » château. Il s’éteint en 2004, à un âge avancé. Son cousin Jean, l’amateur de bobsleigh, n’a pas eu cette chance. Il est descendu en 1944 par des Messerschmidt 109, aux commandes de son Thunderbolt, à la verticale d’une froide forêt d’Alsace, loin de la lumière de son enfance…