Abbaye de Novacella - d'ombre et de lumière
Au centre de la cours principale, plantée de buis et de mahonias, les chanoines ont creusé un puits surmonté d’un chapiteau à colonnes où sont peintes les sept merveilles du monde. Huit colonnes pour sept fresques ?... Sur le huitième panneau, les clercs ont représenté l’abbaye elle-même ! Péché d’orgueil ? Novacella (Neustift) serait-elle vraiment la huitième merveille du monde ? Dans ce concours un peu vain, elle possède de solides atouts : son antériorité puisque les premières constructions datent de 1142, la beauté dépouillée de son cloitre de style gothique ou au contraire la richesse de sa chapelle baroque décorée de fresques et de peintures en trompe l’œil. Si l’architecture et le décorum religieux vous indiffèrent, vous ne serez pas insensible aux parfums de son jardin aromatique, à ses vignobles et ses vergers soigneusement alignés sur les collines de Bressanone (Brixen). Dans ce petit coin de l’Alto Adige, de citoyenneté italienne mais de culture bavaro-tyrolienne, tout ne semble que lumière, ordre et harmonie…
Pourtant, l’histoire de cette communauté a aussi sa part d’ombre et d’agitation… A commencer par son inspirateur romano-africain, Saint Augustin, qui s’il a réconcilié la chrétienté avec la philosophie antique, a largement contribué à l’intolérance en reprenant à son compte, par exemple, la notion de peuple déicide qui ne fut clairement dénoncée par l’église qu’après la Shoah. Loin de ces préoccupations, les pères de l’abbaye ont vécu, pendant des siècles, dans la crainte d’une invasion sarrasine, édifiant de solides fortifications et transformant la première chapelle du XIIe en une imposante redoute inspirée du château Saint Ange de Rome. Les Turcs ne vinrent jamais, mais l’abbaye fut mise à sac en 1525 par les paysans de la vallée, inspirés par les thèses de Luther, mais surtout lassés par l’arbitraire, la corruption et les taxes imposées par le clergé.