Les Ocres de Roussillon
Jaune indien ou de Naples, rouge pozzuoli, ombre de Chypre, laque de garance, terres de Siennes calcinées, etc. Un festival de couleurs nous attend sur ces terres vauclusiennes. Les couleurs chaudes explosent au contact du bleu métallique du ciel de Provence ou bien du vert sombre des pins d’Alep et des pins maritimes. Ces jardins minéraux enchantent poètes et promeneurs, mais aussi… peintres et façadiers.
Les chimistes, minéralogistes et géologues nous expliquent que la magie de ces teintes est le résultat d’une lente altération du grès – une roche composée de sable compacté —mêlé à des argiles. Les mots savants défilent : kaolinite, hématite, limonite et goethite… Je préfère imaginer de paisibles dinosaures pataugeant dans une boue colorée au milieu d’une forêt de fougères hautes comme des immeubles. Plus au nord, le plateau vauclusien n’était encore qu’une grande barrière de corail !
Bien plus tard, les hommes utilisèrent ces pigments pour décorer leurs grottes, puis leurs maisons. On retrouve ainsi dans le village de Roussillon presque toutes les nuances d’ocre de la carrière voisine, abandonnée peu après la seconde guerre mondiale. Je la visite à la fraiche, tôt le matin… Le soleil irradie les falaises bariolées qui jaillissent de la pinède. La terre, rouge et violette, semble saigner, avant de se couvrir d’or ! Voilà bien bientôt le rose pâle… Dans les ondulations des parois, je crois deviner d’anciens courants marins, des galeries creusées par des vers de vase… Au détour d’un piton rocheux, je me surprend à chercher un pueblo Hopi dans ce qui ressemble à une mesa, avant de me perdre sur une terre africaine…