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Yémen - l'Arabie Heureuse ? avril 2008

L’avion Paris-Sanaa est presque plein… de Comoriens qui rentrent à Moroni en faisant escale au Yémen. Les rares européens sont des expats : ingénieurs de Total, focntionnaires des Affaires Etrangères et leurs familles, quelques rares touristes et nous trois : Lakdkah, Yves et moi représentants le « Collectif Sécurité » de ATT. Comme deux mois auparavant en Mauritanie, je pars en mission rencontrer les autorités locales, notre Ambassade, nos équipes afin de s’assurer des conditions de sécurité, suite à l’attentat contre des touristes belges en janvier dernier.

 

Pendant trois jours, nous faisons le tour des ministères Yéménites : Affaires étrangères, Tourisme, Intérieur. Si la langue est parfois de bois, je suis touché par l’évidente sincérité du responsable des opérations du Ministère de l’Intérieur. Il nous explique l’histoire mouvementée de son pays, les opérations qu’il mène pour contrer la menace terroriste, la volonté qu’il a de ne pas laisser le Yémen retomber des années en arrière, de collaborer avec la France pour améliorer la sécurité de son pays, les difficultés qu’il rencontre… Le soir, nous sommes reçus dans sa résidence, par l’Ambassadeur de France : Gilles Gauthier. Celui-ci est un intellectuel, arabisant, amoureux de littérature arabe et traducteur de Alaa El Aswany : Chicago, l’immeuble Yacoubian. Nous partageons avec lui des informations sur les conditions de sécurité au Yémen, sur une économie fragilisée par la hausse des matières premières, sur les caractéristiques de notre activité, de nos circuits…

 

Enfin, nous partons, un petit matin, dans le massif du Harraz. Sur la route, maintenant goudronnée, nous sommes salués par des enfants et des adultes, heureux de voir des Français dont la côte est encor très haute… Plutôt que les Kalachnikovs exhibés par quelques rares fiers-à-bras, nous craignons les accidents de la route. Nous encourageons d’ailleurs, notre chauffeur Mohamed à lever le pied en lui expliquant que nous avons passé l’âge d’être impressionné par la qualité de ses reprises… Enfin, voici la montagne qui sort à peine de l’hiver et de la sécheresse. Elle est striée de terrasses où l’on cultive le qat, poison national, ainsi que le café. A Manakha, joyau de l’architecture médiévale, nous sommes merveilleusement bien accueillis par El Ansakhi, le propriétaire du Funduk qui accueille nos groupes. Il se plaint avec humour de perdre progressivement son français au détriment de l’Allemand et de l’anglais : « Alles Klar ? ». Effectivement, si nous rencontrons des Allemands, des Canadiens, des Sud-africains, des Italiens… Nous ne rencontrerons qu’un seul petit groupe de retraités Français.

 

Après une visite à l’ancien souk juif, où l’on observe encore des portes ornées de l’étoile de David, nous prenons la route pour un sanctuaire ismaélien, couvert de bougainvillées, où nous croisons un couple de pakistanais endimanchés en pèlerinage. Nous rejoignons enfin le village où vivent nos guides locaux  dont le fameux « Vieil Ahmed » qui nous embrasse chaleureusement, les larmes aux yeux. C’est fièrement qu’ils nous font visiter leur village forteresse en nous montrant les efforts qu’ils font pour améliorer la propreté de ce superbe site. Ahmed en profite pour nous faire une démonstration de sa maîtrise de notre langue : « Attention, ça glisse », « Oh, c’est magnifique, c’est génial… » , « Oh, ben dis donc ! », etc.

 

Tard le soir, nous glissons silencieusement dans les ruelles du vieux Sanaa. « C’est magnifique, c’est génial ». Je parcours le souk avec les yeux d’un enfant de dix ans, bientôt étourdi par les senteurs du quartier aux épices. Les marchands nous sourient… Connaissant leurs difficultés, je n’ai pas le cœur à marchander et je n’amorce que très mollement la négociation , histoire de respecter les coutumes de nos amis et de ne pas passer pour un américain !

 

Cette nuit nous reprenons l’avion… Dans la salle d’embarquement, nous remarquons la présence presque anachronique  d’un Juif yéménite orthodoxe. Celui-ci, accompagné de deux ombres noires, porte les « peots » (barbe et papillote) et l’habit noir. Ils sont les descendants des légions du roi Hérode, envoyé par les romains conquérir en l’an -25 l’Arabie Heureuse et restées dans le pays après la défaite des romains. Cet homme et ces deux femmes juives, citoyennes yéménites, restées au pays malgré les sirènes d’Israël qui a encouragé l’émigration de dizaine de milliers de juifs yéménites, restent pour moi, un symbole vivant du Yémen que j’aime, un symbole d’Espoir.

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