Réveillon Raquette dans le Queyras
Je retrouve avec plaisir mes amis-clients ou clients-amis, c’est selon, sur le parking de la gare de Montdauphin pour la quatrième édition de « Réveillon Raquette ». Cette année, nous avons prévu une série de randos autour de Saint Véran, dans le Queyras central, presque ma deuxième patrie. Il fait doux ce matin et le temps, entre nuages et fragments de ciel bleu est incertain… La météo prévoit de la pluie pour l’après-midi. Je décide ainsi de commencer notre première randonnée au premier lacet de la route montant aux Prats Hauts. Nous voilà bientôt seuls face à la montagne et la neige ramollie par le redoux dans une forêt vierge de toute trace de randonneur, mais riche de milliers de traces d’animaux sauvages : chevreuils, aux empreintes « poinçons », qui fuient les neiges profondes ; chamois aux larges sabots palmés… Nous nous amusons, dans cette neige facile, à grimper de brusques « coups de cul » où nous jouons de nos bâtons et de nos raquettes comme des piolets et des crampons. La journée est joyeuse, malgré le crachin qui s’installe, animée par la traversée des Prats Hauts, puis de Pierre Grosse que nous découvrons depuis les hauteurs de la Combe Duit. Il pleut à présent de manière soutenue, alors que nous traversons le bois des Amoureux. Nous rejoignons enfin notre gîte où l’accueil de François est efficace et décontracté ! Le gîte est bien équipé avec un sauna, un salon de jeu, une salle de billard et un piano accordé ! Bien équipé mais aussi bourré à bloc pour le réveillon, comme d’ailleurs tous les gîtes et refuges du Queyras !
Le lendemain, après un réveil bien matinal, nous prenons la direction de la Croix puis des Crêtes de Curlet. Le temps s’est un peu refroidi, il neigeote. J’adore ce parcours de crêtes qui domine Saint Véran. En raquettes, bien entendu, mais aussi en ski de rando où l’on peut profiter du plus beau half-pipe naturel que je connaisse. Arrivés sans encombre à 2400 mètres, je réalise avec mes camarades, une coupe de neige, dans une dépression. Nous comptons quatre couches, dont une seule a une très bonne cohésion. La couche du fond, constituée de cristaux proches des « gobelets », incite à la prudence. Pendant la descente, nous évitons ainsi les pentes les plus raides, les combes, et prenons garde à maintenir nos écarts. Plus bas, les couches ont été consolidées par la pluie qui a percolé l ‘ensemble de la couche et le regel.
Le soir, après être remontés à Saint Véran (mille mètres de dénivelée dans la journée, quand même), nous redescendons au gîte où Birgit, notre concertiste, nous régale de ses études de Chopin : de l’apaisée « Tristesse » à la tourbillonnante « Révolutionnaire » ! La soirée du réveillon est riche en discussions, en jeux et en abondance de plats … Une bonne fatigue et la promesse d’un lever précoce nous empêchent, hélas, de rejoindre les danseurs et surtout les danseuses que quelques uns d’entre nous (non je ne cafterai pas !), trouvent bien charmantes.
Le 1° Janvier, nous avons prévu une belle traversée : La Chalp, chapelle Saint Simon, Col du Pré des Fromages, Sommet Bûcher, Ville Vielle. Une telle traversée avec des clients, au mois de janvier, ne s’improvise pas. La nuit qui tombe vite, le froid, l’impossibilité de se déplacer rapidement, peuvent vite transformer le moindre pépin en catastrophe. Il faut aussi compter avec la possibilité d’être ralenti par une neige sans traces, après le col, dans les parties moins fréquentées. Toutes choses qui justifient un départ matinal malgré quelques protestations de mes amis. Le soleil, peu après avoir dépassé la Combe Arnaude, fait heureusement, une première timide apparition à travers les restes de stratus qui accrochent encore le relief. Bientôt, le voile nuageux se déchire et nous permet une superbe balade à travers la forêt de mélèzes. Nous pique-niquons à la cabane du Clot Henri, somptueusement restaurée. Nous nous y entassons réchauffés par le poêle qui ronronne et par le pique-nique festif : saumon, ananas etc. sans oublier le génépi maison de Gilles ! Nous repartons, après avoir fait un ménage complet, pour les collines en dos de dromadaires du sommet Bucher pour nous enfoncer de nouveau hors trace dans les bois de Gambarel. De nouveau, nous jouons à identifier les traces : nombreux écureuils sautillants d’arbre en arbre, martre aux pattes poilues suivant les traces de ces derniers, jeunes renards en maraude, etc. L’altitude s’abaissant, nous retrouvons des traces de chevreuils et les voyons bientôt, à proximité de Ville Vieille traverser un champ durci par le gel.
À Ville Vieille, l’accueil est bien décevant. Le gîte est placardé d’affichettes, jusque dans les toilettes, sur ce que le randonneur doit ou ne doit pas faire. La patronne veille et la moindre incartade est signalée : « interdit de monter des bouteilles dans les chambres », « interdit de … », etc. Je comprends certes, que le métier d’hébergement en montagne, n’est pas toujours facile, mais lorsque ce métier d’accueil est pratiqué à la manière d’un contrôleur des impôts (encore que ceux-ci s’essaient parfois au sourire), cela mérite quelques questions. Plutôt que de nous fâcher, nous préférons en rire et dépenser nos deniers dans le petit bistro de la rue principale du village, tenu par une Mamie adorable, pour une tournée de « Tourmentes » au génépi, bien entendu.
Les réveils matinaux sont maintenant devenus une habitude. Nous rejoignons avec une navette le petit village de Villargaudin. Le temps est superbe, bien que glacial. Ainsi cette randonnée, exposée Sud-Est, est bien venue. Nous nous élevons rapidement sur un beau chemin qui nous mène aux alpages du Queyron. En sortant de la forêt, la subite apparition de la Crête de Croseras, plâtrée de neige et de glace est Himalayenne ! Après une pause photo, nous grimpons sur un petit sommet situé à 2175 m, superbe panorama. Enfin nous débaroulons dans les pentes vierges en nous offrant une séquence cascades, ponctuée d’éclats de rire. Il est hélas temps de redescendre… En songeant déjà à la prochaine édition (limitée naturellement) : Ubaye sauvage, Piémont ou Diois ?